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Enquête sur le plurilinguisme sur le site Europa

Une étude de février 2012, constatait que sur la plateforme europa.eu 4 portails de direction générale de la Commission européenne sur 34 étaient uniquement en anglais, 6 étaient trilingues (en, de, fr), et 20 étaient pleinement multilingues.

En 2015, en faisant le même décompte en se basant sur la même page du site europa, l’OEP constatait que le nombre de portails de direction générale uniquement en anglais était passé de 4 à 15 sur 33, 5 étaient trilingues, 1 en 2 langues (en et fr), 2 en 8 ou 10 langues, et les portails réellement multilingues étaient tombés de 20 à 10.

La régression était alarmante et nous pouvions dire que les citoyens ne sont pas égaux devant la Commission européenne.

Depuis l’accession en 2014 à la Présidence de la Commission européenne de Jean-Claude Juncker, la situation a-t-elle changé ? En ce qui concerne les prises de position publiques de Jean-Claude Juncker, il n’y a aucun doute, Jean-Claude Juncker faisant un usage équilibré de l’allemand, de l’anglais et du français. La valeur symbolique de ce changement ne saurait être négligée.

S’agissant de la plateforme europa, des évolutions sont manifestement en cours. S’agit-il d’inflexions ou d’une révolution en marche ? Essayons d’y voir plus clair.
La plateforme europa a été profondément réorganisée sur les bases suivantes :

1. Tous les sites de directions générales, services et agences, obéissent à un schéma unique, avec des libellés de rubriques parfaitement homogènes, ce qui facilite considérablement la lecture et la compréhension des politiques européennes.
2. La rubrique « Actualités » reste systématiquement en anglais, ce qui veut dire qu’aucun site ou portail n’est entièrement en 24 langues.
3. Les rubriques « Plan de gestion » et « Rapport d’activité » sont aussi uniquement en anglais.
4. L’ensemble des pages sont organisées en 1, 2 et 3 niveaux, rarement davantage.
5. Plus on descend dans les niveaux et plus on accède à des documents fondamentaux. Certains sont accessibles dès le premier niveau.

En résumé :

1. 9 portails sur 52, soit 17,3 % sont dans toutes les langues, sous les réserves 2 et 3 ci-dessus, quel que soit le nombre de niveaux.
2. Pour 22 portails sur 52, soit 42 %, le 1er niveau est en 24 langues (partiel compte tenu des réserves ci-dessus), mais les niveaux 2 et suivants sont soit partiellement en 24 langues, ou partiellement en 3 langues, « partiellement » voulant dire que ce qui n’est pas en 24 ou 3 langues est en anglais.
3. Pour 17 portails sur 52, soit 32,7 %, le 1er niveau est dans toutes les langues, mais le second niveau est entièrement en anglais.
4. Enfin, 4 portails sont exclusivement en anglais dès le 1er niveau, soit 7,7 %.
Pour autant que les choses soient comparables à la situation décrite pour les années 2012 et 2015, on peut dire que les choses ont finalement peu évolué. Si l’on considère les portails dont les pages sont exclusivement en anglais dès le niveau 2 comme des portails entièrement en anglais, 4+17, soit 21 portails, soit 40,3 % de l’ensemble sont entièrement en anglais. En 2015, nous avions 15 portails sur 33, soit 45 % uniquement en anglais.
Néanmoins, alors que de 2012 à 2015, la dégradation avait été rapide, à partir de 2016, à la faveur d’une restructuration complète de l’ensemble de la plateforme europa, il semble qu’une inversion de tendance soit engagée.
D’ailleurs, la Commission est explicite sur ses intentions dans plusieurs chapitres. Citons le plus éloquent d’entre eux.
Au chapitre de « la transparence », on trouve ceci exprimé en 24 langues
« Aujourd'hui, les activités de l'Union européenne influent sur la vie de millions de citoyens européens. Les décisions qui les touchent doivent être prises de manière aussi ouverte que possible.
En tant que citoyen européen, vous avez le droit de savoir comment les institutions européennes élaborent ces décisions, qui participe à cette élaboration, quels sont les bénéficiaires de fonds du budget de l'Union, et quels documents sont détenus ou produits pour élaborer et adopter les textes législatifs concernés. Vous avez également le droit d'accéder à ces documents et d'exprimer votre point de vue, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de vos représentants.
Cette page web se veut votre fenêtre sur ce monde : elle vous permet d'accéder directement aux informations qui vous aideront à être mieux informé et mieux préparé pour suivre le processus décisionnel de l'Union et y participer, à exercer vos droits et à jouer pleinement votre rôle de citoyen européen. »
Reste qu’il ne suffit pas d’énoncer un principe en 24 langues. Il faut affirmer un principe qui mériterait d’être érigé en principe général du droit de l’Union européenne, le principe non nommé de l’« accessibilité linguistique », et l’appliquer réellement.
Rappelons à cet égard l’épineuse question des appels d’offres qui sont dans leur très grande majorité exclusivement en anglais. Le principe d’égalité de traitement dans les marchés publics est donc allègrement violé. On peut défendre, avec une certaine dose de mauvaise foi, le point de vue inverse et dire que l’égalité est assurée par l’unicité de la langue, ce qui est peut-être acceptable pour les grandes entreprises, plutôt bien équipées en moyens de traduction, mais qui ne l’est pas pour les PME.
Une autre question fondamentale est apparue avec le traité de Lisbonne. Afin d’associer la société civile aux choix politiques de l’Union européenne et à l’élaboration même des textes législatifs (directives) et réglementaires, le traité de Lisbonne (article 8B, alinéa 3) a prévu qu’« en vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union, la Commission européenne procède à de larges consultations des parties concernées. »
La Commission a donc mis en place des procédures de consultation publique qui jusqu’à présent ont été faites essentiellement en anglais, ce qui crée une situation de discrimination linguistique caractérisée au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Mais les choses sont en train de bouger, afin de sortir ces procédures de la confidentialité dans laquelle elles étaient soigneusement tenues.
Un bilan instantané de la situation donne quelque espoir, mais celle-ci n’en est pas pour autant satisfaisante.
Ainsi sur 29 consultations en cours au 22 décembre 2016, 19 étaient en anglais, 8 en anglais, allemand et français, 1 en 24 langues et 1 sans lien existant. En termes d’« accessibilité linguistique » aux procédures européennes, il reste donc encore beaucoup à faire.
Affaire à suivre donc, d'autant que les tenants du tout-anglais pour l'Union européenne, n'ont pas dit leur dernier mot.