La gabegie des congrès monolingues

Il faut s'interroger sur la productivité réelle des congrès scientifiques ou professionnels qui se tiennent en anglais sans interprétation.

Lors du congrès de l'Association française des interprètes de conférence le 2 avril 2011, Françoise Muel, secrétaire générale de l'Association internationale des villes francophones de congrès, a mis en relief les difficilutés que suscite la tendance générale à ne tenir des colloques scientifiques ou professionnels qu'en anglais en excluant le recours à l'interprétation simultanée. Voici le résumé de son intervention. 

"Devant les difficultés qu’ils rencontraient pour s’exprimer au sein des organisations internationales de professionnels de congrès, constatant par ailleurs la multiplication des congrès internationaux n’utilisant que l’anglais comme langue de travail, les représentants de plusieurs villes francophones ont fondé en 1974 le Club des Congrès de Langue Française, devenu en 1975, face à son rapide développement, l’Association Internationale des Villes Francophones de Congrès.*

Depuis son début, l’AIVFC poursuit sa mission de lobbying aux côtés des opérateurs et des instances qui défendent le rôle de la Francophonie et l’utilisation du français dans une économie mondialisée.

Inquiétée par l’évolution de plus en plus rapide vers le monolinguisme et l’imposition de l’anglais comme langue de travail dans les congrès internationaux, elle a engagée une réflexion sur ce problème en réalisation une étude sur les difficultés et les conséquences d’un congrès monolingue.

Cette étude, que l’AIVFC a appelée : ISCI, « l’interprétation simultanée dans les congrès internationaux : communiquer dans la langue des on choix, une liberté fondamentale », avait 2 objectifs :

-L’étude des conséquences du monolinguisme,

-La promotion de l’IS dans les CI.

Elle a été confiée à un professeur de linguistique générale à l’Université de Paris et par un chercheur psycho-acousticien en collaboration avec une équipe de spécialistes de cette préoccupation.

Il en est ressorti que le congrès international monolingue :

-Entraîne un système d’exclusion de près de la moitié des participants potentiels y compris chez les spécialistes,

-Brime une partie des présents,

-Ne profite qu’à une minorité de congressistes autonomes,

-Lors de l’écoute, entraîne une perdition très importante des messages fournis : interruption de l’écoute, retard dans le suivi et donc dans l’assimilation, contresens, déduction et pas toujours compréhension …,

-Perd de sa substance au niveau des interventions car beaucoup de congressistes restent passifs n’osant pas intervenir,

-Introduit, dans les congrès médicaux et scientifiques où le vocabulaire utilisé est très pointu, le malentendu et l’imprécision,

-Qu’à long terme, pourrait entraîner un appauvrissement intellectuel universel.

Par ailleurs, l’étude a également montré une appréciation erronée des coûts de l’IS ; ces derniers ne représentent qu’une faible augmentation des droits d’inscription ; ils sont à peu près l’équivalent du budget des pauses café, et dans la plupart des cas, couverts par le nombre d’inscriptions supplémentaires dûes à ce confort.

En conclusion, l’étude a mis en avant la nécessité, pour la qualité des échanges dans les congrès internationaux :

-Que chacun devait s’exprimer dans la langue de son choix,

-Que seuls les interprètes de conférence, qui prennent déjà en amont connaissance des interventions, pratiquent 2 ou 3 langues d’une manière naturelle, ont des techniques particulières, peuvent permettre une compréhension rigoureuse des débats."