Une très belle réflexion sur les liens entre la langue et la pensée loin de tout déterminisme par Joseph Cohen et Raphael Zagury-Orly
Voici un extrait de l'article publié dans le nouveau magazine littéraire de janvier
Transformations de l’héritage
Il est assurément toujours périlleux de définir une pensée ou une philosophie par une langue particulière. La philosophie est universelle; et sa langue se doit de se conformer à l'universalité du sens. En même temps, nul ne peut ignorer qu'une pensée ou une philosophie doit aussi se confronter au fait premier qu' elle se dit d 'abord en une langue, en ne cessant de se débattre avec ce que signifie cette langue, ce que veut ou peut dire sa traduction vers d'autres. Nous touchons ici à une question singulière qui souligne un des défis posés par le colloque que nous organisons : une des singularités de ce que nous appelons « pensée » ou « philosophie française» réside dans un inépuisable mouvement exigeant de la langue française non seulement une ouverture vers d'autres langues, mais aussi vers une inventivité propre, à même l'idiome français, à multiplier d'autres langues encore; à venir pour penser de façon nouvelle le passé et l'avenir : c'est-à-dire aussi notre contemporanéité.
Notre colloque se veut donc un appel : la pensée philosophique française se transforme constamment en cherchant à créer de nouvelles modalités du discours philosophique. Et, comme depuis toujours, elle s'ouvre aux autres traditions de pensée philosophiques en questionnant les diverses filiations conceptuelles de son histoire. Aujourd'hui, la pensée française s' élabore en s'exposant aux courants de la philosophic analytique, des sciences cognitives, des pensées politiques anglo-saxonnes, etc., et en opérant des transformations radicales de l'héritage de la phénoménologie, de l'ontologie, de l'épistémologie, de la métaphysique, de l'idéalisme allemand, du marxisme, de l'herméneutique et de la déconstruction. Et elle fait ce geste en ne craignant nullement le débat, parfois vif, qui en résulte entre ces orientations de la pensée philosophique. Car, depuis longtemps, la pensée française a saisi en quoi son avenir et celui de la philosophie en tant que telle, suppose des réinventions de percées multiples et différenciées sans finalité prédéterminée pour dire encore et toujours ce fondamental qu'est l'humain.
Par Joseph Cohen et Raphael Zagury-Orly