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Retour sur le discours de Berlin (Emmanuel Macron)

Le discours prononcé par Emmanuel Macron à l’Université Humboldt de Berlin le 12 janvier dernier a suscité de nombreux commentaires et parfois des polémiques violentes. L’OEP n’entend pas intervenir dans la campagne présidentielle française en soutenant ou en attaquant tel ou tel candidat. Cependant, l’OEP juge chacun en fonction de son attitude au regard de la diversité linguistique, indépendamment des autres aspects de son programme. Nous y revenons car la question est essentielle. Notre commentaire est valable pour Emmanuel Macron mais aussi pour d’autres candidats.
Nous travaillons sur les langues, les politiques linguistiques et les enjeux géopolitiques des langues.
Nous défendons la diversité linguistique et culturelle, et au niveau européen, qui est notre champ de réflexion et d’action privilégié, nous défendons l’identité européenne, non comme repli sur soi mais comme une affirmation européenne ouverte au monde, dans la ligne de la Déclaration de Copenhague de 1973. Inspirée par la France, et son ministre des affaires étrangères de l’époque, Michel Jobert, et par  l’amitié franco-allemande, elle reprend aujourd’hui une actualité et une fraîcheur certaines. Nous en recommandons la lecture.
Les questions linguistiques peuvent apparaître secondaires, mais en réalité elles portent en elles tant de symboles qu’un homme politique aspirant aux plus hautes fonctions ne peut les négliger.
Quand on s’adresse aux peuples, d’une manière ou d’une autre, on doit leur parler dans leur langue, autant qu’on le peut.
À Berlin, Emmanuel Macron allait s’exprimer devant un public sélectionné pour lequel la langue internationale la plus répandue et probablement, l’allemand mis à part, la mieux comprise était l’anglais. Nous comprenons donc bien les raisons qui l’ont poussé, à tort selon nous, à utiliser cette langue. Mais les universitaires qui l’avaient invité, très représentatifs de milieux où l’anglais exclusif est très en vogue aujourd’hui, lui ont fait commettre un faux pas difficilement pardonnable.
Car la réunion en question ne pouvait être considérée comme une réunion privée telle que pourrait l’organiser une business school pour ses étudiants et professeurs. Cette rencontre étant organisée par une des plus prestigieuses universités allemandes, il était prévisible que le discours serait repris par les médias du monde entier. De plus, vu le contexte politique général, marqué par le Brexit et le changement de président aux États-Unis, il était évident que les propos tenus auraient une portée toute particulière.
Les motifs invoqués pour justifier le recours à l’anglais, la « facilité » et la nécessité de « se comprendre » avaient quelque chose d’incongru. Incontestablement, le contexte imposait d’autres choix.
Le public finalement atteint, en France mais partout en Europe et au-delà, avait une compréhension très moyenne de l’anglais. On sait que dans la meilleure des hypothèses, à peine 40 % des européens s’estiment capables de parler anglais, mais une petite portion de ces 40 % est en réalité capable de lire un article de journal et de suivre un discours. Donc, au final, les extraits diffusés ont été traduits en allemand et en français, et probablement dans d’autres langues et le message qui aura été retenu est que les dirigeants de l’avenir s’expriment en anglais, message qui compte autant que le contenu réel du discours.
Soyons clairs. Cette idée plaît à toute une génération jeune largement et abusivement formatée à l’idée d’un futur américanisé, signe prétendument de progrès et de modernité, génération qui n’a aujourd’hui qu’une faible idée de ce que peut signifier la souveraineté.
Or, la langue accompagne la souveraineté. Un chef d’État à l’étranger utilise soit sa langue, soit celle de ses hôtes, soit les deux, mais pas une langue tierce, fût-elle une langue internationale.
Nous avons noté dans le discours des citations en allemand, ce que la grande presse n’a pas relevé. Celles-ci étaient tout à fait bienvenues.
Le général de Gaulle lors de son voyage en Allemagne de septembre 1962, s’était exprimé dans ses trois discours en allemand, sa langue première apprise au lycée, signe de respect pour ses hôtes, dont la force symbolique n'avait échappé à personne.
Quoi qu’il en soit, dans le contexte du Brexit, quand celui-ci rentrera en vigueur, moins de 1 % de la population européenne aura pour langue maternelle l’anglais. L’anglais ne sera plus une des langues officielles de l’Union européenne, à moins que l’Irlande ne renonce au gaélique ou Malte au maltais, et la langue anglaise aura politiquement perdu sa légitimité en Europe. Cela ne l’empêchera sans doute pas d’y rester une grande langue de communication. Elle ne peut en tout état de cause être la langue des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne.

L'OEP