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Activisme linguistique en Allemagne (Les Echos)

Publié sur lesechos.fr le 23 février 2010

Longtemps résignés à voir l'influence de leur langue décliner en Europe et le « denglish » envahir les campagnes de publicité dans leur pays, les Allemands font preuve, ces derniers temps, d'un nouvel activisme linguistique. Un journal bavarois invite ses lecteurs à trouver « 1.000 raisons d'aimer la langue allemande ». Lors de l'assemblée du géant Siemens, un actionnaire s'est fait applaudir en priant la direction de germaniser sa communication financière. La Deutsche Bahn a, quant à elle, cédé aux critiques d'usagers et de députés conservateurs ulcérés, en promettant d'abandonner le sabir qui avait fini par coloniser ses prospectus, des « hot lines » aux « flyers » en passant par les « counters ». Berlin s'active en coulisse pour faire reconnaître l'allemand comme langue de travail au sein du futur service européen pour l'action extérieure, en cours de constitution pour soutenir le travail de la baronne Ashton. Guido Westerwelle, à peine nommé ministre fédéral des Affaires étrangères, refusait même de répondre en anglais à un journaliste de la BBC lors de sa première conférence de presse. Le leader des libéraux, qui maîtrise pourtant la langue de Shakespeare, s'est depuis justifié : « Le ministère ne dépense pas 300 millions d'euros par an pour soutenir la langue allemande dans le monde pour qu'au final j'y renonce moi-même en Allemagne ! »

Dans ce concert à l'unisson, la démarche des tribunaux de Cologne et Bonn, qui acceptent désormais l'anglais dans leurs prétoires, contraste. Une démarche expérimentale destinée à prévenir la fuite d'un courant de litiges transnationaux vers des juridictions anglo-saxonnes. Les Länder de Rhénanie-du-Nord et de Hambourg veulent aller plus loin et ont déposé une proposition de loi pour permettre l'usage de l'anglais dans la rédaction des arrêts et autres actes de procédure. Les juristes tiquent, c'est un euphémisme. Au moins, cela supposerait de toutes les parties concernées, y compris des tiers, une parfaite maîtrise de l'anglais. Or même le haut niveau peine en Allemagne à montrer l'exemple. Le nouveau commissaire européen, Günther Oettinger, filmé l'an dernier lors d'un symposium, s'est distingué par une prononciation pour le moins défaillante. La vidéo a fait un grand « buzz » sur Internet. Un allemand limpide est somme toute préférable à un « denglish » de cuisine.

KARL DE MEYER (À BERLIN) ET JEAN-PHILIPPE LACOUR (À FRANCFORT), Les Echos