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Il a raison Laurent Joffrin : Bientôt ringards les anglicismes ou plutôt "vintages" (rétro, ancien, vieillot, etc.) ?

Le Directeur de Libération dans sa Lettre politique du 23 janvier 2018 trouve ridicule l'abus de termes anglo-saxons dans la communication politique. Lisons-le :

«Emmanuel Macron aime bien Versailles. C’est la troisième fois qu’il utilise le château du Roi-Soleil pour organiser des événements importants. Pourquoi pas ? On peut difficilement trouver séjour plus prestigieux – et plus conforme à  l’idée jupitérienne du pouvoir. Curieusement, cette prédilection pour le patrimoine le plus français – Macron avait aussi loué Chambord pour une fête amicale et familiale – s’accompagne d’une anglicisation forcenée de l’expression publique. On connaissait les «helpers» d’En Marche, le «bottom-up» cher au parti du président (qui s’est vite changé en «top-down»), le «make our planet great again» pastichant un slogan trumpien. Voici maintenant «choose France» - pour «choisissez la France» - qui désigne la réunion patronale de Versailles et, surtout, «France is back», leitmotiv qui doit résumer l’ère macronienne aux yeux du monde, copié, lui, sur le slogan de Ronald Reagan, «America is back». Internationalisme ? Philo-américanisme ? Probablement pas. L’invasion un peu ridicule des termes anglo-saxons est la caractéristique de l’élite gestionnaire mondialisée, notamment dans le secteur financier. On ne se refait pas. «France is back», donc. But French is out… »

Un ami avocat me fait observer : « je suis d’accord avec lui sur le ridicule de ces anglicismes. Toutefois, je ne les réduirais à une soi-disant « caractéristique de l’élite gestionnaire mondialisée, notamment dans le secteur financier ».

La plupart de mes amis qui s’expriment ainsi – ma génération est celle des 40-50 ans – ne travaillent pas dans la finance. Ils ont fait des études à la fac ou dans des grandes écoles en économie, évoluent dans des PME ou des multinationales françaises dans le marketing ou la vente, voire dans des cabinets d’avocats où ils font du conseil (et travaillent quasi-exclusivement en anglais). Mais ils ont tous une caractéristique commune : ils ne lisent pas beaucoup, s’intéressent peu ou pas à l’art ou à la littérature et connaissent très mal l’histoire de leur pays. Par contre ils sont assez ou très connectés. Bref : ils  incarnent pour moi la faillite de l’éducation humaniste. Une grande partie de l’anglicisation résulte ainsi selon moi de l’abandon et de la dépréciation progressifs de l’enseignement du français, du latin, du grec et de l’histoire. »

Donc, le mal est plus profond que ce qu'en pense Laurent Joffrin. Et minimiser le phénomène, n'est-il pas une façon de le cautionner ? Il ne s'agit pas de savoir si le français peut ou non emprunter aux autres langues, ce qu'il a toujours fait, pour son plus grand bien. En l'occurrence le français, ne gagne rien aux dérives troublantes et grotesques qui se généralisent. Il faut vraiment se donner le temps de la réflexion et participer à la consultation citoyenne pour le français et le plurilinguisme et donner l'impulsion collective nécessaire pour se remettre debout. Des occasions comme celle-là ne se représenteront pas de si tôt.