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Et si on faisait un "making-of" des anglicismes ?

Dans un précédent article, nous nous étonnions que le journal Le Monde n'ait pas trouvé d'autre mot pour faire connaître au grand public les coulisses de la création et de la fabrication de ce grand quotidien que le terme américain, inspiré du cinéma, making-of.

Le plus intéressant est peut-être de comprendre par quels mécanismes se créent les anglicismes. Bien sûr, chaque mot à probabelement son histoire, mais s'essayer à quelques monographies sur ce sujet peut être un exercice assez motivant. Que l'on trouve ça cool ou qu'au contraire on s'en indigne, la propagation des anglicismes, phénomène qui a atteint une intensité assez exceptionnelle pour faire dire à Michel Serre qu'il y a aujourd'hui plus de mots anglais dans les rues de Paris que de mots allemands sous l'Occupation, on a toujours intérêt à comprendre ce qui se passe avant de réagir d'une manière ou d'une autre.

Nous avons trouvé sur Internet pas mal d'expressions utilisées pour dire la même chose que making-of : coulisses de ..., l'envers de ..., autour de, revue de... Voici une liste de synonmyes trouvée sur fr/wikionary.org (le Wiktionnaire - le dictionnaire libre) :

Définition (http://www.definitions-marketing.com/definition/making-of-publicitaire/) : Un making-of publicitaire est un film ou reportage montrant l’envers du décor publicitaire et montrant comment un film ou une opération publicitaire a été produite.

Autre définition (Larousse) : "Documentaire portant sur la genèse et le tournage d'un film."

Par extension (Wiktionnaire) : Description du processus de création d'un document, sous l'angle de ce qui serait autrement resté dans l'ombre. (d'où la pertinence d'expression autour des mots "coulisses", "autour" ou "envers", voir l'excellente expression "Les coulisses de l'info" qui marche très bien sur Internet 526 000 résultats sur Google, 13 600 000 pour le mot "coulisses" seul contre 285 000 000 pour making-of tout de même).

Mais comment se créent les anglicismes? Le mécanisme dans le cas de making-of est très bien décrit dans la note de Wikipedia à cette adresse. Notamment, l'idée est née en tant que format particulier de film documentaire et publicitaire à l'occasion de la sortie du film avec Michael Jackson Thriller en 1982. Cette pratique s'étant imposée dans le monde du cinéma et du dvd, la S.A.C.D. (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) et la S.C.A.M. (Société civile des auteurs multimédia) ont mis en circulation un formulaire spécifique de déclaration d'oeuvre audiovisuelle pour le making-of et ont intégré le mot à leur glossaire. En 2013, des associations professionnelles sont apparues en France, le M.O.P.I. (Making-Of Promotion International), qui organise les prochains festivals de making-ofs sur Paris, et l'A.R.M.O. (Association des Réalisateurs de Making-Of), qui regroupe un certain nombre de professionnels reconnus du métier.

On voit donc très bien comment les professionnels se sont bornés - paresse mentale, dirait-on, consistant à ne plus chercher à inventer de mots nouveaux ou à désigner par des mots existants des réalités nouvelles - à reprendre le mot utilisé aux Etats-Unis pour désigner une réalité, sans chercher à l'adapter pour rendre le terme plus compréhensible par le commun des mortels.

Il est vrai que chez certains le souci premier n'est pas d'être compris mais au contraire de se différencier pour paraître "branché" (à propos de ce gallicisme, comment dit-on "branché" en anglais ?). Bientôt, l'abus d'anglicisme paraîtra un tantinet ridicule, grotesque, prétentieux, snobinard, ringard et une marque d'inculture. C'est déjà le cas, mais pas encore pour cette catégorie bien particulière de la population pour qui la norme comportementale est l'imitation plus que la créativité.

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