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Le prix de l’échec des Britanniques dans l’apprentissage des langues étrangères

Les personnes de langue maternelle anglaise ne peuvent pas simplement compter sur le désir qu’a le reste du monde d’apprendre leur langue, affirment Gabrielle Hogan-Brun et Jennifer Jenkins, alors que Jane Sjögren cite les paroles de Nelson Mandela sur l’importance des compétences linguistiques et que Trevor Stevens dit qu' apprendre une langue étrangère devrait être obligatoire pour le Certificat Général de l’Enseignement Secondaire.
Le Royaume-Uni n’est pas seulement « embourbé à une des dernières places dans le classement européen des compétences langagières » (Voir notre éditorial du 4 novembre) mais sa dépendance envers l’anglais représente aussi une perte énorme pour les entreprises britanniques. Des statistiques publiées par le gouvernement ont montré que l’économie du Royaume- Uni perd 50 milliards tous les ans pour des contrats perdus à cause de l’absence de connaissances linguistiques du personnel.
Pourtant, des études étrangères démontrent que le PIB peut augmenter de 10% à peu près si le bilinguisme maternel est exploité. Mais ceci n’est pas tout ce qu’on peut perdre. Voilà les mots de Richard Hardie, conseiller principal de la banque d’investissement UBS : « Une compréhension profonde des langues étrangères est souvent essentielle pour la combinaison de flatterie et de séduction que beaucoup d' entreprises demandent dans leurs négociations internationales ».
Les personnes de langue maternelle anglaise ne peuvent pas simplement compter sur le désir qu’a le reste du monde d’apprendre leur langue.
Comme les citoyens britanniques qui ne parlent qu’une langue ne comprendront pas les nuances des interactions dans les affaires internationales, ainsi ils ne sauront pas ce qui est perdu dans la traduction. Suite au Brexit, les accords commerciaux avec la Chine, la Russie et d’autres marchés en développement entraineront la perte de contrats pour le Royaume Uni si les négociations ne sont menées qu’en anglais.
Il est déjà trop tard pour un investissement stratégique dans les langues – l’ampleur des pertes est déjà connue.
Gabrielle Hogan-Brun
Auteur de Linguanomics: What is the Market Potential of Multilingualism?


La situation linguistique des citoyens britanniques est même pire que ce que votre éditorial suggère. À l’heure où l’Académie Française discute de détails aussi minutieux que l’acceptation ou non du genre neutre dans un texte (La Commission de la langue française dit « non » à la neutralité, 4 novembre), en rendant difficile que le français remplace le rôle de lingua franca que tient l’anglais dans les relations internationales, l’anglais utilisé par la majorité des personnes pour lesquelles il est la deuxième langue préférée, et qui sont probablement 80% à peu près des personnes qui parlent anglais dans le monde, n’est pas l’anglais des citoyens britanniques (ou américains, ou autres) dont c’est la langue maternelle : c’est le phénomène connu comme anglais en tant que lingua franca.
Et la recherche des 20 dernières années montre largement que l’anglais en tant que lingua franca est très diffèrent de l’anglais en tant que langue maternelle. Elle démontre aussi que les personnes de langue maternelle anglaise, qui s'attendent à ce que tout le monde parle leur anglais à elles, ne sont, souvent, pas de bons interlocuteurs en anglais en tant que lingua franca si on les compare aux locuteurs étrangers. Ainsi, autant qu'avoir besoin d’apprendre des nouvelles langues, les citoyens britanniques doivent apprendre à utiliser l’anglais de manière efficace avec la majorité des personnes qui parlent anglais dans le monde.
Professeur Jennifer Jenkins
Southampton


« Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, cela lui va à la tête. Si vous parlez à un homme dans sa langue maternelle, cela arrive à son cœur » a affirmé Nelson Mandela. Il y a rien à ajouter (sauf peut-être qu’il aurait dû dire une femme ou un homme).
Jane Sjögren
Chesham, Buckinghamshire


En tant que linguiste de carrière, je suis d’accord pour reconnaître que la diminution du nombre d’étudiants qui apprennent des langues étrangères est un motif de préoccupation. Etre capable de converser avec des personnes qui viennent d’un autre pays dans leur langue maternelle est le seul moyen pour comprendre pleinement ce qui les rend uniques, et de quelle façon elles sont similaires et différentes de nous.
Mais les difficultés d’apprendre aujourd’hui une autre langue européenne sont sous-estimées, et je compatis pleinement avec les jeunes quand ils ne sont pas intéressés.
Quand je me suis installé en Allemagne pour la première fois en 1978, le prix d’un appel international était exorbitant et il y avait seulement des programmes en allemand à la télé. Il faut admettre qu’il y avait un certain nombre d’Allemands qui parlaient l’anglais mieux que moi l’allemand, mais on peut les éviter si on essaye. C’était plus difficile d’éviter mes copains anglais, ce qui a ralenti mon développement linguistique pour un moment. Aujourd’hui, il y a internet, avec son accès 24 heures sur 24 à la famille et aux amis grâce aux réseaux sociaux et l’actualité.
Votre éditorial était dépourvu de solutions au problème, et moi aussi j’ai combattu pour envisager des moyens pour renverser la tendance, mais la réponse doit reposer sur un net changement dans l’attitude vis-à-vis de l’enseignement des langues dans la politique d’éducation. Le derniers gouvernements ont manifesté un intérêt de pure forme, sans donner l’impression qu’ils s’en soucient. Après tout, quelle est la dernière fois que nous avons eu un ministre des Affaires Etrangères qui parlait français ou allemand ?
Le multilinguisme de Nick Clegg a été une des raisons de regretter son départ du Parlement. Le moment est arrivé (à nouveau) de rendre l’étude d’une langue étrangère obligatoire pour le Certificat Général de l’Enseignement Secondaire et de rendre les étudiants conscients du fait que les maths, les sciences et l’anglais, nonobstant leur importance certaine, ne sont pas le seul chemin de la réalisation professionnelle et personnelle dans la vie.
Trevor Stevens
Oxford

Source: theguardian.com, 6/11/17

Traduction: Francesca Corsetti, stagiaire à l'OEP