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Euro 2021 : pour les Belges et les Suisses, une affaire de plurilinguisme (Le Monde)

Les deux nations, qui affrontent respectivement le Portugal et la France en huitièmes de finale, ont un point commun : sous un même maillot, les joueurs ne parlent pas tous la même langue.

 

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Publié le 27 juin 2021

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Trente-cinq fois sélectionné en équipe de Suisse entre 1998 et 2008, titularisé contre l’Angleterre à l’Euro 2004, Fabio Celestini a connu une carrière internationale honorable. A fortiori quand on sait que son niveau de collégien en allemand ne lui permettait pas de saisir en détail les consignes du sélectionneur. « Franchement, durant les sept ans avec Köbi Kuhn, je n’ai rien compris de ses causeries d’avant match », avoue l’ancien milieu de l’Olympique de Marseille. La barrière de la langue en équipe nationale ? « Pour vous les Français, les Espagnols ou les Italiens, ça paraît surprenant. Mais quand on est Suisse, on sait que c’est comme ça, alors on fait avec », balaye le natif de Lausanne, francophone et italophone.

 

Aujourd’hui entraîneur à Lucerne, un club de Suisse alémanique, Celestini a appris l’allemand. Mais, à l’époque, à défaut de maîtriser la langue de Goethe, le joueur romand avait développé sa compréhension des signes : « Quand le sélectionneur me parlait en allemand, même si je ne percevais pas ses mots, je décryptais ce qu’il voulait dire par le ton de sa voix et par son langage corporel. Au pire, si je voulais demander des précisions, j’allais vers son adjoint, Michel Pont, qui parl[ait] français. »

 

Sélectionné 82 fois avec la Suisse à la même période que Celestini, Patrick Müller présentait, lui, l’avantage d’être bilingue en français et en allemand dans un vestiaire à majorité germanophone. L’ancien défenseur de l’Olympique lyonnais se souvient de parties de cartes entre coéquipiers romands, alémaniques et tessinois. « Même si on ne parlait pas tous la même langue, on arrivait à se comprendre », assure le natif de Genève, d’ascendance autrichienne du côté de son père.

 

Jongler avec les langues

 

A l’Euro 2021, dans le groupe de la Nati, la majorité germanophone est écrasante. Et les quelques joueurs romands (francophones, donc) sélectionnés – Kevin Mbabu, Denis Zakaria, Becir Omeragic, Jordan Lotomba, Yvon Mvogo, Edimilson Fernandes – évoluent tous (ou ont évolué) soit dans le championnat d’Allemagne, soit dans les clubs de Suisse alémanique.

 

Même chez les Suisses alémaniques, le particularisme helvète nécessite une adaptation : pour se faire comprendre par des interlocuteurs romands et tessinois, ils doivent faire la bascule entre le dialecte suisse allemand et l’allemand standard (qu’on parle en Allemagne et qu’on écrit en Suisse alémanique). « Les joueurs ont l’habitude de faire cet effort. La plupart jouent en Bundesliga. Ils savent très bien parler l’allemand, mais ce n’est pas leur langue naturelle, note le journaliste romand Valentin Schnorhk, qui écrit pour la Tribune de Genève et pour Le Matin, entre autres. Des fois, cela nous arrive de poser des questions en conférence de presse, et qu’ils répondent par réflexe en suisse allemand, avant de se corriger en Hochdeutsch, le “bon allemand”. »

 

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