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Le Monde : La minorité hongroise de Slovaquie et sa langue

Un article de l'envoyé spécial Martin Plichta, paru sur le site du journal Le Monde le 2 septembre 2009 sous le titre : 

La minorité hongroise de Slovaquie refuse la restriction de l'usage de sa langue

En hongrois : "A szlovákiai magyar kisebbség demonstrál  a szlovák nyelvkorlátozási törvény ellen" (titre traduit par Lidia Varga, OEP). 

Quelque 8 000 Magyars venus de tout le sud de la Slovaquie, ont manifesté, mardi 1er septembre à Dunajska Streda (sud-ouest du pays), leur ferme opposition à la loi sur la langue d'Etat. Entrée en vigueur le même jour, elle restreint l'usage du hongrois dans l'administration et les services publics slovaques.

Organisé dans le stade de football de la ville par le Parti de la coalition hongroise (SMK, environ 10 % des voix) et la Table ronde hongroise - un collectif d'une cinquantaine d'associations représentant la société civile créé au début de l'année -, le rassemblement a réuni davantage de participants que les manifestations organisées par la minorité hongroise (600 000 personnes, soit 10 % de la population slovaque) au milieu des années 1990, lorsque le populiste premier ministre d'alors, Vladimir Meciar, rognait déjà les droits linguistiques des Magyars.

"Il est important de montrer au gouvernement que ce ne sont pas seulement les hommes politiques qui sont contre la loi, mais l'ensemble des Hongrois de Slovaquie", souligne Akos Horony, jeune juriste, assistant de la députée locale Agnes Biro du SMK.

"Cette loi est primitive et mesquine, estime Zsolt Gorozdi, pasteur de l'Eglise réformée de Dunajska Streda, venu manifester son mécontentement. On perçoit qu'elle a été écrite par des gens qui ont peur, qui ont une phobie de tout ce qui n'est pas slovaque et qui souffrent d'un complexe d'infériorité."

"Pourquoi le gouvernement a-t-il imposé cette loi sans demander notre avis, alors qu'un modus vivendi avait été trouvé et fonctionnait depuis des années ?", s'interroge Virag Farkas, une étudiante de 20 ans. "Nous refusons cette tentative d'assimilation du pouvoir qui ne cesse de nous montrer du doigt, lance un couple d'instituteurs venus avec leurs deux enfants. Nous voulons que nos enfants puissent grandir et être considérés comme des citoyens à part entière, et puissent parler et utiliser le hongrois et le slovaque sans discrimination."

Venus en groupe ou en famille, les Hongrois de Slovaquie qui avaient fait le déplacement en ce jour férié - le pays célébrait la journée de la Constitution de la Slovaquie indépendante - ne sont pas des "va-t-en-guerre". Leur revendication unanime est le statu quo : conserver la situation d'avant l'adoption, en juillet, de cette loi qui a alourdi le climat déjà tendu entre le gouvernement et la minorité hongroise, mais aussi entre Bratislava et Budapest.

"Depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition national-populiste du premier ministre Robert Fico, la confrontation avec la minorité hongroise et la Hongrie est permanente", constate le politologue Grigorij Meseznikov.

Quelques semaines après la prise de fonction, en juin 2006, du cabinet Fico, qui réunit sociaux-démocrates, populistes et ultranationalistes xénophobes, une jeune hongroise avait été tabassée par des néonazis slovaques dans les rues de Nitra (centre du pays). Cet incident, jamais élucidé, a marqué le début de la crise entre Hongrois et Slovaques.

Après une accalmie, malgré les attaques incessantes du Parti national slovaque (SNS), au pouvoir, contre la minorité ou la Hongrie, les relations se sont de nouveau détériorées en novembre 2008. Le stade de Dunajska Streda, qui accueillait un match entre l'équipe locale et le club du Slovan Bratislava, a été le théâtre d'une démonstration de force de la police slovaque contre les supporteurs du club hongrois. La brutalité de la répression dirigée uniquement contre les Hongrois avait soulevé une vague de protestation en Hongrie et dans la minorité.

Le premier ministre hongrois d'alors, Ferenc Gyurcsany, et M. Fico s'étaient rencontrés pour calmer les passions, mais en vain. Le 10 septembre, M. Fico s'entretiendra de nouveau, en Hongrie, avec son nouvel homologue, Gordon Bajnai, pour une mise à plat de tous les différends qui empoisonnent les relations bilatérales. Mais apaiser les tensions "ne peut se faire sans la disparition des parties controversées de la loi linguistique touchant la minorité hongroise", a prévenu, mardi, M. Bajnai.

Miklos Duray, vice-président du SMK, est sceptique sur le bon vouloir du gouvernement slovaque : "On ne peut pas s'attendre à une réelle amélioration du climat résolument anti-hongrois du gouvernement avant les élections législatives de juin 2010." "Le discours anti-hongrois fonctionne auprès des électeurs slovaques, reconnaît M. Meseznikov. Il a largement contribué à la réélection du président Ivan Gasparovic au printemps dernier."

Martin Plichta