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Proposition de loi relative au développement des langues et cultures régionales

N° 3008

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

relative au développement des langues et cultures régionales,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Armand JUNG, Gisèle BIEMOURET, Daniel BOISSERIE, Jean-Claude BOUCHET, Danielle BOUSQUET, Martine CARRILLON-COUVREUR, Pascal DEGUILHEM, Éric DIARD, Jean-Pierre DUFAU, Laurence DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Corinne ERHEL, Martine FAURE, Claude GATIGNOL, Jean GAUBERT, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Pascale GOT, Maxime GREMETZ, Anne GROMMERCH, Francis HILLMEYER, Monique IBORRA, Jean-Louis IDIART, Françoise IMBERT, Denis JACQUAT, Éric JALTON, Yvan LACHAUD, Colette LANGLADE, Jean LAUNAY, Marylise LEBRANCHU, Gilbert LE BRIS, Annick LE LOCH, Jacques LE NAY, Serge LETCHIMY, Michel LIEBGOTT, Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Victorin LUREL, Daniel MACH, Jean-René MARSAC, Martine MARTINEL, Henriette MARTINEZ, Frédérique MASSAT, Kléber MESQUIDA, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Henri NAYROU, Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, Germinal PEIRO, Simon RENUCCI, Marcel ROGEMONT, François de RUGY, Christiane TAUBIRA, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, André VÉZINHET, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VITEL,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ce texte est issu des travaux consensuels réalisés par le groupe d’études sur les langues régionales, que j’ai l’honneur de présider actuellement. Les membres du groupe d’études sur les langues régionales représentent toutes les tendances politiques.

*

À de nombreuses reprises déjà, le Parlement a été saisi de propositions de loi en faveur des langues régionales de France. Elles ne sont jamais venues en discussion, à l’exception de celle, aux ambitions fort modestes, qui allait être adoptée le 11 janvier 1951 sous le nom de loi « Deixonne ».

Désormais, la reconnaissance constitutionnelle des langues régionales implique de leur donner un cadre législatif et de créer les outils juridiques nécessaires à leur sauvegarde. Par le nouvel article 75-1, le Constituant a en effet reconnu que leur préservation n’était pas seulement l’affaire de leurs locuteurs, mais concernait la collectivité nationale dans son ensemble car ces langues constituent un bien commun à l’ensemble de la France.

Il n’existe aujourd’hui aucun cadre législatif consistant sur l’usage des langues régionales. Le code de l’éducation comporte seulement une faculté pour les autorités académiques de les inclure dans l’enseignement, les modalités de cette insertion étant laissées à leur appréciation et précisées par de simples circulaires.

Pour le reste, les règles légales qui ont été dégagées sont surtout restrictives. Par exemple, la loi du 4 août 1994 sur l’emploi de la langue française a été interprétée par le Conseil d’État dans un sens restrictif pour ce qui touche à l’utilisation de la méthode immersive (affaire Diwan). Les refus de prendre en compte les langues régionales dans le fonctionnement de la Poste ont été jugés légaux. Leur usage est exclu dans l’administration et la justice – sauf sous forme de traduction de textes français.

Il n’existe en somme aucun statut légal des langues régionales, mais seulement une politique de tolérance, parfois empreinte de bienveillance, mais souvent aussi d’hostilité.

Si donc le législateur veut tirer les conséquences de la reconnaissance des langues régionales comme éléments du patrimoine de la République, il est indispensable de leur octroyer un soutien juridique.

C’est d’autant plus vrai que ces langues sont aujourd’hui affaiblies et ne bénéficient plus guère de modalités naturelles de transmission. Si le législateur a jugé opportun d’adopter un cadre juridique protecteur pour la langue française et de développer une politique de soutien à cette langue, une telle nécessité apparaît encore plus impérieuse pour les langues régionales.

Sans doute celles-ci ont-elles besoin d’un dispositif de protection différent de celui prévu pour la langue française, puisqu’à l’évidence leur situation n’est pas la même. Comme cela a été relevé dans beaucoup d’autres pays pour des langues comparables, il ne suffit pas d’en autoriser l’usage ou de supprimer les discriminations dont elles font l’objet. Il est nécessaire de construire une véritable politique de soutien à ces langues, qui combine les outils juridiques, institutionnels, financiers et autres. Il s’agit de sauver ce patrimoine commun.

Dans ce contexte, les locuteurs de ces langues doivent moins être les bénéficiaires de mesures que les agents d’une stratégie publique. Quiconque le souhaite peut participer à cette entreprise de sauvetage.

La présente proposition de loi ne vise donc pas à accorder des droits particuliers à des groupes, mais à organiser une politique de protection publique.

Cette politique est indispensable à plus d’un titre.

D’abord parce qu’elle est portée par un élémentaire idéal de justice. La disparition d’une langue, quelle qu’elle soit, est un facteur d’appauvrissement pour l’humanité tout entière. La défense de la biodiversité et celle de la pluralité linguistique relèvent au fond d’une même logique, et il appartient à chaque État, sur son territoire, de prendre toute mesure utile afin d’en enrayer le déclin.

La France a la chance de compter sur son sol, en métropole et outre-mer, soixante-quinze langues différentes. Toutes ont leur histoire, ont généré une culture spécifique et une littérature parfois brillante, ont servi de vecteur à une pensée, à des sentiments, à des croyances précieux dans leur singularité.

Les pouvoirs publics de notre pays sont redevables devant les générations futures de leur préservation et de leur pérennisation. Car elles contribuent à la richesse de notre Nation, et nul n’a le droit, par indifférence ou hostilité, de laisser se perdre tout ou partie de ce patrimoine inestimable.

Il en va aussi du rayonnement européen et international de la France. Nos prises de position, éminemment courageuses, en faveur de la défense de la diversité linguistique et culturelle dans le monde ne pourront que s’en trouver confortées et légitimées si nous sommes en mesure d’appliquer avec autant d’audace et de détermination ce même principe dans notre propre pays.

Nos voisins de l’Union, qui pour la plupart ont initié depuis déjà longtemps des politiques extrêmement généreuses en vue de promouvoir leurs propres langues régionales, attendent de nous un geste fort en la matière. La France se doit de participer à ce mouvement international de reconnaissance de la pluralité linguistique, en soi salutaire, parce qu’il est l’un des truchements par lesquels sa voix est appelée à gagner encore en influence.

Tels sont, Mesdames, Messieurs, les considérations qui nous ont conduits à déposer la présente proposition de loi. Lire la suite sur le site de l'Assemblée nationale...