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Les langues dans la réforme du lycée en France

Nicolas Sarkozy s'étant prononcé le mardi 13 octobre sur la question de l'enseignement des langues dans le cadre de sa communication sur la réforme du lycée, nous sommes obligés de revenir sur cette question, après la controverse qui s'était engagée au début de l'été et que nous avons évoquée à deux reprises sur ce site et dans la précédente Lettre N°27.

Afin d'éviter de paraître trop franco-français, nous voulons traiter le sujet à la lumière de la stratégie européenne dite du modèle 1+2+,

stratégie qui nous vient du Conseil européen de Barcelone de mars 2002, du rapport du Groupe de haut niveau sur le multilinguisme de novembre 2007, du rapport du Groupe d'intellectuels sur le multilinguisme et le dialogue interculturel, Un défi salutaire, dit "Rapport Maalouf" d'avril 2008, de la Communication de la Commission Européenne (L. Orban) Multilinguisme, un atout pour l'Europe et un engagement commun de septembre 2008, des avis concordant du Parlement européen, du Comité économique et social et du Comité des régions, des Etats généraux sur le multilinguisme organisés dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne le 26 septembre 2008 et enfin de la résolution du Conseil Education Culture et Jeunesse du 21 novembre 2008.

De tout ce travail d'une décennie, il ressort la nécessité de faire en sorte que tous les jeunes Européens arrivent au baccalauréat avec une bonne maîtrise de deux langues vivantes au moins, et qu'il y a également nécessité d'une diversification de l'offre d'enseignement de langues dès le plus jeune âge, sans écarter l'anglais bien sûr. Néanmoins, bien que l'anglais soit imposé comme première langue dans de nombreux systèmes éducatifs, rien ne devrait conduire à toujours l'imposer en LV1 si l'on veut éviter une marginalisation des autres langues qui ferait que nous n'aurions pas un modèle 1+2+ mais plutôt 1+1,5. Donc, la diversification dès l'école élémentaire de l'enseignement des langues s'impose. Certains le font, la Roumanie par exemple, qui offre trois langues à l'école élémentaire, l'allemand, l'anglais et le français, le pays ne semble pas en souffrir bien au contraire.

Or, que nous dit Nicolas Sarkozy ? Il nous dit que les jeunes Français doivent devenir bilingues, c'est à dire posséder au moins une langue vivante (passons sur l'emploi du terme bilingue) en plus de leur langue maternelle et pour certains d'entre eux trilingues. Ainsi, alors que le modèle 1+2+ est la norme en France depuis toujours (ou presque), avec des résultats très moyens pour toutes sortes de raisons, et qu'il convient de l'améliorer, il deviendrait l'exception. Nous sommes particulièrement inquiets de voir présenter comme un progrès ce qui serait en réalité une formidable régression par rapport à l'existant.

En ce qui concerne les préconisations touchant l'effort à faire sur l'expression orale, sur les séjours linguistiques, sur les assistants de langue natifs, sur les sections internationales et européennes, nous ne pouvons qu'approuver, mais il faut des moyens qui aujourd'hui font défaut, et la crainte que l'on peut nourrir est que le Ministère de l'éducation nationale se mette à faire ouvertement ce qu'il fait aujourd'hui par défaut, à savoir concentrer l'effort sur une seule langue vivante par souci d'économies budgétaires, ce qui mettrait la France sur les traces du tout-anglais du gouvernement Berlusconi en Italie. Quant à la mise en valeur des sections littéraires qui avec deux langues deviendraient des sections d'élites, serait-ce pure rhétorique, puisque les deux langues y sont déjà obligatoires comme dans toutes les sections d'enseignement général au lycée. Ou faut-il comprendre que le caractère obligatoire de deux langues au bac serait menacé dans les sections générales et technologiques ? Quand au Royaume Uni, le gouvernement a décidé d'abaisser l'obligation d'enseignement des langues vivantes de 16 à 14 ans, pour soi-disant lutter contre l'absentéisme, car "les langues fatiguent les petits anglais", il y a eu un effondrement des effectifs.

Pour l'instant, curieusement, le Ministère de l'éducation nationale a publié un document sur la réforme du lycée, Vers un nouveau lycée pour 2010, qui ne change quasiment rien à l'organisation de l'enseignement des langues. La déclaration du Président de la République serait-elle sans effet ? En tout cas nous restons vigilants,  mais plus inquiets que rassurés.